Il n’est pas interdit d’anticiper

Il est établi que le déconfinement sera progressif et déjà perçu que le processus sera lent, complexe et de gestion difficile. Il va en être de même pour la relance de l’économie. Une fois entré dans des territoires inconnus, on en sort pas si facilement.

Le retour au travail sera partiel dans un premier temps, sur un mode impossible à déterminer précisément, il en sera de même de la réouverture des entreprises, en tenant compte que certaines n’auront pas survécu malgré les soutiens prodigués. Pensons aux industries du transport aérien et de l’automobile. Le risque d’un rebond de la pandémie sera toujours présent tant qu’elle continuera à sévir au sein d’une partie de la population ou dans un coin du monde. Pour s’en prémunir, sera-t-il nécessaire de regrouper ceux qui seront déclarés infectés, une fois détectés, ainsi que de boucler des frontières pour éviter la contamination ? Comment sinon se protéger de l’hécatombe qui attend les populations des pays démunis ?

On comprend que la relance sera sélective, tout comme le déconfinement. Par pays ou par régions, ou par nature d’activité une fois des priorités établies, mais lesquelles ? Tout ne se fera pas d’un seul coup. Et il faudra rétablir les chaînes d’approvisionnement, régionales et internationales, ce qui sera freiné par l’absence de synchronisation mondiale de la relance.

Enfin, l’attitude adoptée par les consommateurs reste une grande inconnue. Vont-ils se rattraper de leur diète, ou au contraire mettre leur épargne forcée de côté pour la prochaine crise ? Où vont-ils placer le curseur ? Pour revenir sur la chute du PIB, l’investissement ne suffira pas s’il n’est pas secondé par la consommation, vu son poids.

Politiquement, les autorités en place vont devoir jouer fin. Quels changements vont-elles décider, que vont-elles préserver ? Des gages vont devoir être donnés, il va falloir prendre en compte que la crise aura touché les plus faibles, et il ne suffira pas de récompenser par des primes ou autres satisfécits les plus méritants.

Quand on observe la marche arrière par étapes opérée par le gouvernement français à propos de la distribution des dividendes, ainsi que la force des résistances, notamment bancaires (identiques aux États-Unis), on comprend que ceux qui ont du bien ne sont pas prêts à abandonner la perspective de continuer à l’accumuler. D’où les déclarations ministérielles qui proscrivent toute imposition supplémentaire, des fois qu’il viendrait à l’idée de taxer la richesse et la spéculation financière, à défaut de l’interdire.

Il ne suffira pas de gérer la sortie de crise, pour employer leur jargon. Une crise peut sinon en cacher en annoncer une autre, dont le danger était déjà largement perçu, qui résultera du réchauffement incontrôlé de l’atmosphère. Car, avec tout ce qui arrive, les priorités ont changé et les financements qui sont dégagés n’ont plus le même objet. Or, plus l’activité reprendra, plus la température remontera. L’impréparation des autorités aura entretemps été durement ressentie, des comptes seront réclamés sinon rendus, des mesures pour la prochaine crise devront être affichées. Responsable ou coupable, la différence est de taille et le choix n’est pas acquis.

Il n’est pas interdit d’anticiper et de prendre les devants et l’initiative en posant des jalons, en établissant ce qui devra guider le changement et en quoi il consistera. Un processus par essence collectif qui peut dès maintenant commencer malgré l’isolement, en mettant à profit les ressources de la communication par Internet. Aujourd’hui, les clubs de la Révolution française sont virtuels.

2 réponses sur “Il n’est pas interdit d’anticiper”

  1. « Politiquement, les autorités en place vont devoir jouer fin. »
    Vraiment?
    Des espoirs pourraient être plus mal placés, c’est vrai. Car, n’en doutons pas, ces autorités le veulent. Jouer fin est dans leurs gênes. Retenons, au vu du passé, qu’il y a loin entre la volonté exprimée par de grands mots et les réalisations. Pas pour tous, évidemment.

    Pour ce qui est de la grande lessive finale, retenons à nouveau d’un passé cruel, que les commissions d’enquête, parlementaires ou autres, sont essentiellement auto-absolutrices. Et finissent au placard, comme les rapports de la Cour des Comptes.
    Anticipons!

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